"Le parti pris des choses" Francis Ponge
Biographie de Francis Ponge
Francis Ponge est un écrivain, poète français, né à Montpellier le 27 mars 1899 et mort au Bar-sur-Loup, le 6 août 1988.
Il se décrit comme faisant partie de la génération surréaliste mais il ne partage que certains principes de ce mouvement.
Il a écrit des oeuvres telles que: "Le parti pris des choses", "Poèmes",...
Bords de mer
La mer jusqu'à l'approche de ses limites est une chose simple qui se répète flot par flot. Mais les choses les plus simples dans la nature ne s'abordent pas sans y mettre
beaucoup de formes, faire beaucoup de façons, les choses les plus épaisses sans subir quelque amenuisement. C'est pourquoi l'homme, et par rancune aussi contre leur immensité qui
l'assomme, se précipite aux bords ou à l'intersection des grandes choses pour les définir. Car la raison au sein de l'uniforme dangereusement ballotte et se raréfie : un
esprit en mal de notions doit d'abord s'approvisionner d'apparences.
Tandis que l'air même tracassé soit par les variations de sa température ou par un tragique besoin d'influence et d'informations par lui-même sur chaque chose ne feuillette
pourtant et corne que superficiellement le volumineux tome marin, l'autre élément plus stable qui nous supporte y plonge obliquement jusqu'à leur garde rocheuse de larges
couteaux terreux qui séjournent dans l'épaisseur. Parfois à la rencontre d'un muscle énergique une lame ressort peu à peu : c'est ce qu'on appelle une plage.
Dépaysée à l'air libre, mais repoussée par les profondeurs quoique jusqu'à un certain point familiarisée avec elles, cette portion de l'étendue s'allonge
entre les deux plus ou moins fauve et stérile, et ne supporte ordinairement qu'un trésor de débris inlassablement polis et ramassés par le destructeur. Un concert
élémentaire, par sa discrétion plus délicieux et sujet à réflexion, est accordé là depuis l'éternité pour personne : depuis sa formation par
l'opération sur une platitude sans bornes de l'esprit d'insistance qui souffle parfois des cieux, le flot venu de loin sans heurts et sans reproche enfin pour la première fois trouve
à qui parler. Mais une seule et brève parole est confiée aux cailloux et aux coquillages, qui s'en montrent assez remués, et il expire en la proférant; et tous ceux qui
le suivent expireront aussi en proférant la pareille, parfois par temps à peine un peu plus fort clamée. Chacun par-dessus l'autre parvenu à l'orchestre se hausse un peu le
col, se découvre, et se nomme à qui il fut adressé. Mille homonymes seigneurs ainsi sont admis le même jour à la présentation par la mer prolixe et prolifique en
offres labiales à chacun de ses bords.
Aussi bien sur votre forum, 6 galets, n'est-ce pas, pour une harangue grossière, quelque paysan du Danube qui vient se faire entendre : mais le Danube lui-même, mêlé à
tous les autres fleuves du monde après avoir perdu leur sens et leur prétention, et profondément réservés dans une désillusion amère seulement au goût de
qui aurait à conscience d'en apprécier par absorption la qualité la plus secrète, la saveur.
C'est en effet, après l'anarchie des fleuves, à leur relâchement dans le profond et copieusement habité lieu commun de la matière liquide, que l'on a donné le nom
de mer. Voilà pourquoi à ses propres bords celle-ci semblera toujours absente : profitant de l'éloignement réciproque qui leur interdit de communiquer entre eux sinon
à travers elle ou par de grands détours, elle laisse sans doute croire à chacun d'eux qu'elle se dirige spécialement vers lui. En réalité, polie avec tout le
monde, et plus que polie : capable pour chacun d'eux de tous les emportements, de toutes les convictions successives, elle garde au fond de sa cuvette à demeure son infinie possession de
courants. Elle ne sort jamais de ses bornes qu'un peu, met elle-même un frein à la fureur de ses flots, et comme la méduse qu'elle abandonne aux pêcheurs pour image
réduite ou échantillon d'elle-même, fuit seulement une révérence extatique par tous ses bords.
Ainsi en est-il de l'antique robe de Neptune, cet amoncellement pseudo-organique de voiles sur les trois quarts du monde uniment répandus. Ni par l'aveugle poignard des roches, ni par
la plus creusante tempête tournant des paquets de feuilles à la fois, ni par l'œil attentif de l'homme employé avec peine et d'ailleurs sans contrôle dans un milieu
interdit aux orifices débouchés des autres sens et qu'un bras plongé pour saisir trouble plus encore, ce livre au fond n'a été lu.
J'ai choisi ce poème pour "mon poème favori" car j'ai un lien très spécial avec la mer, c'est pour moi la chose la plus apaisante au monde. Cela pourrait s'expliquer par une adoration d'enfance(je suis née dans les Antilles).
La pluie
La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures très diverses. Au centre c'est un fin rideau (ou réseau) discontinu, une chute implacable mais relativement lente de gouttes probablement assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une fraction intense du météore pur. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. Ici elles semblent de la grosseur d'un grain de blé, là d'un pois, ailleurs presque d'une bille. Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture. De la gouttière attenante où elle coule avec la contention d'un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en un filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu'au sol où elle se brise et rejaillit en aiguillettes brillantes.
Chacune de ses formes a une allure particulière : il y répond un bruit particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation.
La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse.
Lorsque le ressort s'est détendu, certains rouages quelque temps continuent à fonctionner, de plus en plus ralentis, puis toute la machinerie s'arrête. Alors si le soleil reparaît tout s'efface bientôt, le brillant appareil s'évapore : il a plu.
J'ai relié ces deux oeuvres car Claude Monnet représente très bien la pluie, et on ressent les même émotions que dans le poème de Francis Ponge nous fait passer.
Le feu
Le feu fait un classement : d'abord toutes les flammes se dirigent en quelque sens...
(L'on ne peut comparer la marche du feu qu'à celle des animaux : il faut qu'A quitte un endroit pour en occuper un autre; il marche à la fois comme une amibe et comme une girafe,
bondit du col, rampe du pied)...
Puis, tandis que les masses contaminées avec méthode s'écroulent, les gaz qui s'échappent sont transformés à mesure en une seule rampe de papillons.
La fenêtre (ma création)
Au milieu de cette pièce vide, la fenêtre seule, supporte ces carreaux vitrés et poussiéreux. Faisant entrer, une douce lueur solaire, emplissant de vie chaque recoin abandonné. A travers, celle qui semble si transparente et pure, on y voit une deuxième dimension si pleine, un équilibre entre la vie et le néant.
Cependant, il peut être rompu si un voile épais, pour cacher ce paradis extérieur est placé devant lui comme un masque sur une tête.
La fenêtre perd donc temporairement son âme, me laissant seul et perdu dans l'obscurité.
"Alchimie poétique: la boue et l'or"
La poésie fait de l'or avec de la boue, élève la réalité en la sublimant, autant qu'elle permet de se libérer de cette réalité, vers l'imagination.
C'est pourquoi on peut relier l'alchimie poétique avec "le parti pris des choses" car Ponge sublime la réalité, donc transforme la boue en or.
Mon opinion
J'ai plutôt bien aimé ce recueil, car j'aime le fait que Francis Ponge donne un âme à des objets quelconque.
L'auteur a un regard original sur le monde qui nous entoure et je trouve cela très subjuguant.
Cela nous fait réfléchir à ce qui nous entoure et nous donne un regard neuf sur le monde...